Dans quel contexte évoluent les CAE ?
Aujourd’hui, nous assistons à une explosion du travail autonome. Les personnes exerçant leur métier en « profession libérale » sont 14 millions, dont 800 000 auto-entrepreneurs. Un mouvement lié tant à la libéralisation économique qu’à une volonté politique. Le travail autonome renforce la flexibilité des entreprises mais il ôte une certaine sécurité à l’entrepreneur solo. La CAE peut être une bonne réponse : allier flexibilité et sécurité.
L’envie de création d’entreprise n’est-elle pas liée aussi à une autre façon d’envisager le travail ?
C’est à ajouter au contexte. Les jeunes générations ne se retrouvent pas dans le carcan de l’entreprise classique et imaginent leur vie professionnelle autrement. Elles recherchent un autre rapport au travail, à la hiérarchie, un épanouissement, plus de liberté et de sens.
Pour quelles raisons le statut d’entrepreneur salarié n’a pas connu l’engouement de l’auto-entreprise ?
L’accès à l’auto-entreprise est gratuit. La CAE a un coût du fait qu’elle comprenne une phase d’accompagnement. Coût supporté en partie par de l’argent public qui se raréfie. Nous devons réfléchir à un nouveau modèle économique qui permette aux CAE d’accompagner les personnes avec moins d’argent public tout en continuant à donner sa chance à tout porteur de projet, sans sélection. Pour continuer à nous inscrire dans une mission d’utilité sociale et d’intérêt général.
Y-a-t-il d’autres contraintes ?
Certaines contraintes sont aussi des solutions sur lesquelles nous réfléchissons. Il y a une première contrainte, juridique. Aujourd’hui, un entrepreneur-salarié qui devient associé ne peut pas prétendre au mêmes droits qu’un créateur d’entreprise. Nous travaillons sur un amendement qui permettra de corriger cette incohérence. Une autre est : la numérisation de la société. Nous étudions les usages afin d’accompagner cette transition numérique pour qu’elle soit un atout dans l’organisation des CAE et un facteur supplémentaire de réussite pour les porteurs de projets.
Quels défis pour l’avenir ?
Deux défis majeurs. D’abord, celui de la gouvernance. Les CAE ont été créées et gérées par des permanents. Aujourd’hui les entrepreneurs sont majoritaires. Cela pose la question de leur formation, de l’organisation de façon à pérenniser les structures. Asseoir l’économie de la coopération, des entreprises dans lesquelles les associés sont impliqués et on le droit à la parole, est un enjeu économique et politique. Plus la structure grandit et plus c’est complexe, car nous n’avons pas d’éducation à la coopération, ce n’est pas quelque chose de spontané. Le second défi est de continuer à inscrire les CAE dans une logique d’innovation en termes de gouvernance et de développement, en conservant les valeurs qui rassemblent les entrepreneurs. Il nous faut inventer notre capacité à changer d’échelle.
Que retenez-vous de ces années, de la création d’Avant-Premières à la coordination nationale ?
Un projet enthousiasmant ! Beaucoup de rencontres, des visages, des projets. Je crois au modèle des CAE. C’est une vraie réponse avec un ancrage fort dans les territoires. J’espère que ces énergies seront sollicitées de plus en plus, qu’elles deviendront un véritable interlocuteur pour apporter tout leur potentiel au développement des territoires.
Rédaction : Marie-Laure Charles - La Rédak - 06 86 58 41 70
Photo : Jean-François Merle - www.jeanfrancoismerle.com